Prévention des addictions en milieu carcéral : une urgence négligée

J’ai décidé aujourd’hui d’alerter le Ministre de la Justice sur une lacune législative qui a des répercussions graves en matière de santé publique et de dignité humaine : la prévention des addictions en prison. En 2016, une loi essentielle a été votée pour autoriser les associations à intervenir en milieu carcéral avec des actions afin de réduire les risques. Pourtant, faute de décret d’application, cette loi reste lettre morte, et les détenus continuent de subir des conditions sanitaires alarmantes.
Depuis la loi de 1994, des avancées ont été réalisées pour garantir l’accès aux soins en prison. Grâce à cette loi, nous avons constaté une diminution des épidémies en milieu carcéral, autrefois sources de graves problèmes de santé publique. Cependant, en matière de prévention des addictions et de la transmission des infections sexuellement transmissibles (IST), nous faisons encore face à une situation critique.
Les chiffres sont édifiants : un tiers des détenus a une problématique d’addiction non liée au tabac, et la consommation de stupéfiants persiste. Plus de 40 % des détenus partagent du matériel de consommation, en particulier des seringues, et les protections pour les rapports sexuels sont quasi inexistantes. En conséquence, le VIH et les hépatites virales sont six à dix fois plus présents dans les prisons que dans la population générale. Ce n’est pas seulement une question de santé pour les personnes incarcérées, mais bien un sujet de santé publique, car ces personnes sont amenées à réintégrer la société.
En 2016, la loi de modernisation du système de santé a été adoptée pour répondre précisément à cette urgence, en incluant une distribution de matériel de réduction des risques et des programmes de prévention assurés par des associations. Cette approche permettrait d’offrir aux détenus un accès à des outils de prévention essentiels, comme des seringues stériles, des antidotes en cas de surdose, des préservatifs et des séances de sensibilisation. Pourtant, huit ans plus tard, l’application de cette loi est bloquée, et les actions de prévention n’ont jamais pu démarrer en l’absence du décret nécessaire.
Je demande donc instamment au Ministre de la Justice de relancer cette démarche et d’alerter le Président de la République ainsi que le Premier ministre sur l’urgence de signer le décret. Sans ce décret, la loi de 2016 ne peut prendre vie et les mesures de prévention ne peuvent être mises en place dans tous les établissements pénitentiaires du pays.
Il est de notre devoir d’agir pour la santé, la dignité et la réhabilitation des personnes incarcérées. En tant que société, nous devons nous assurer que la prison ne soit pas un lieu où les addictions et les maladies se propagent, mais un espace où la santé et la prévention sont garanties.


